Et bien sûr, Fort Boyard aura une place de choix...
Publié le mercredi 30 octobre 2019 (publié antérieurement le 15 octobre 2019) par Vidéos et podcasts 2019.
dans la rubriqueUne fois n’est pas coutume, c’est un reportage de RMC Découverte dont nous allons vous parler aujourd’hui ! En effet, la chaîne du groupe NextRadioTV disponible sur le Canal 24 de la TNT nous offrira ce mercredi 30 octobre à 20h55 un documentaire inédit complet sur les « Forteresses maritimes », et bien entendu il sera notamment question de Fort Boyard qui aura droit à un bon quart d’heure au sein de ce reportage de 55 minutes réalisé par Benoît Poisson et raconté par Anne Cardona.
PRÉSENTATION DE L’ÉMISSION
Fort Boyard, Saint-Malo, Cherbourg... des forteresses qui veillent au large des côtes françaises telles des gardiens des mers. À l’instar des châteaux forts qui jalonnent notre territoire, les forteresses navales demeurent elles aussi les vestiges encore bien visibles d´une époque où la France devait se protéger d´invasions étrangères... Pendant près de deux siècles, des architectes et des ingénieurs militaires, au service des plus grands souverains Français, ont dû déployer des trésors d´ingéniosité pour relever un défi immense : faire bâtir en pleine mer, des colosses de pierre capables de résister aux canons de l´ennemi et de défier les éléments. Comment y sont-ils parvenus ? Quelles prouesses techniques ont-ils accomplies ? Îlots de puissance aux portes de l´océan, ces forteresses maritimes ont veillé et protégé les villes de la côte Atlantique telles que Saint-Malo, Cherbourg ou encore Rochefort. La plus fameuse d´entre elles est celle de Fort Boyard, dont la construction a été l´une des plus difficiles et les plus coûteuses du XVIIIe siècle.
BANDE-ANNONCE RMC DÉCOUVERTE
RÉSUMÉ
Vous trouverez ci-après le texte intégral du passage sur Fort Boyard comprenant les commentaires d’Anne Cardona, la voix off, et ceux de Thierry Sauzeau, docteur en histoire et Maître de conférences à l’université de Poitiers, Denis Roland, ancien conservateur du musée national de la marine de Rochefort, devenu attaché de conservation du patrimoine et Emmanuel de Fontainieu, directeur du Centre national de la Mer et de la Corderie royale de Rochefort.
Voix off : « la ceinture de feu des fortifications protégeant Rochefort n’est toutefois pas suffisante, car la rade où stationnent les vaisseaux français en attendant leur armement est trop facilement accessible. Des navires ennemis qui traverseraient le pertuis d’Antioche, couloir entre l’île de Ré et l’île d’Oléron, déboucheraient naturellement sur deux passages menant à l’estuaire : le bras de mer entre Fouras et l’île d’Aix et surtout celui beaucoup plus large entre l’île d’Aix et l’île d’Oléron. Problème, avec une portée maximale de 1200 m, les plus puissants canons de l’époque, installée sur les îles d’Aix et d’Oléron, ne suffisent pas à couvrir les 5,5 km de la passe. Une solution s’impose : ériger un Fort entre les deux îles pour combler ce trou béant et réduire les distances de tir nécessaires à le protéger. Mais à quel endroit et surtout comment ? »
Thierry Sauzeau (docteur en histoire, Maître de conférences à l’université de Poitiers) : « il se trouve qu’au milieu de ce passage, il y a un banc de sable qui est cartographié depuis le XVIe siècle. Ce sont les Hollandais qui l’ont cartographié, ils lui ont d’ailleurs donné leur nom, ’le banc des Hollandais’, le banjaert, qui va donner boyard en fin de compte. C’est un bon de sable. »
Emmanuel de Fontainieu (directeur du Centre national de la Mer et de la Corderie royale de Rochefort) : « sur lequel avec d’énormes moyens on pourrait envisager de construire une Fort. Mais à l’époque de Louis XIV c’est totalement hors de portée. »
Thierry Sauzeau : « on prête à Vauban ce mot, il aurait dit à Louis XIV : ’il serait plus facile de saisir la lune avec les dents que de faire en ce lieu pareille besogne’ et il parlait bien évidemment de la construction d’un Fort en dur. »
Voix off : « Vauban ne décrochera pas la lune. Faute de moyens financiers et technologiques, le projet d’un fort, implanté sur le banc de boyard, est, en cette fin de XVIIe siècle, abandonnée. »
Voix off : « Bonaparte a la folie des grandeurs. Trois ans plus tôt démarrait l’un des chantiers les plus ambitieux de son règne. En 1801, Bonaparte a relancé le projet fou d’une fortification qui serait bâtie au large sur un banc de sable entre l’île d’Aix et d’Oléron. Un véritable vaisseau de pierre de près de 100 m de long sur 50 m de large, capable d’interdire l’accès à l’estuaire de la Charente et donc à l’arsenal militaire de Rochefort. Tant que cette forteresse ne sera pas édifiée, la marine anglaise ne cessera de lancer des incursions sur la zone. Pour Bonaparte, Fort Boyard doit absolument voir le jour ».
Denis Roland (ancien conservateur du Musée national de la marine de Rochefort) : « en 1801 les conditions pour lancer les travaux de boyard sont toutes réunies. D’abord on a un pouvoir fort qui concentre toutes les décisions entre ses mains, il y a de l’argent pour le faire et surtout Napoléon il est en guerre contre toute l’Europe et singulièrement contre l’Angleterre donc protéger les côtes c’est absolument capital ».
Thierry Sauzeau : « on a affaire à un chantier absolument extraordinaire, le Fort doit avoir la dimension de deux terrains de football. Évidemment il faut construire sur du sable. Le premier défi technologique consiste à créer le récif artificiel qui pourrait permettre, à terme, de mettre en chantier la fortification ».
Denis Roland : « c’est aussi un moment où on a une culture d’ingénieurs un peu nouvelle qui se concrétise dans la création de l’école polytechnique en 1794 et les meilleurs ingénieurs choisissent la marine qui est vraiment la voie royale. Ces ingénieurs ont un esprit de corps aussi, ils communiquent entre eux, ils échangent... Les ingénieurs qui vont travailler à Cherbourg par exemple, ils vont communiquer des choses aux ingénieurs qui vont prendre en charge le chantier de boyard et réciproquement ».
Voix off : « tout comme à Cherbourg, c’est donc la technique dite des pierres perdues qui est choisie. Des tonnes de pierres sont déversées sur le bac de sable afin de créer un enrochement suffisamment solide et découvert à marée basse. Sur ce tas de cailloux, trois assises en pierres de taille seront assemblées pour former une base de 100 m de long sur 50 de large sur laquelle viendra se poser l’édifice ».
Thierry Sauzeau : « on va donc avoir des navires qui, à la manière de ce qui se passait à Cherbourg pour immerger les côtes en 1787, chargent ces gros blocs de pierre et par un système de trappe, permettent de les immerger à l’endroit voulu. C’est un chantier pharaonique qui permet d’embaucher toute une main d’oeuvre locale qui se trouve occupée à conduire les navires, qu’on appelle les gabares, qui sont des gros navires de charge, qui se trouvent également occupée à marrée basse à aller disposer les gros blocs pour qu’ils aient une espèce d’assisse plus solide. Ça crée tout un travail, notamment sur l’île d’Oléron, car le camp de base de la construction du Fort Boyard, c’est une petite cité à l’embouchure d’un chenal qui prendra le nom de Boyardville et qui sera la zone de résidence des ingénieurs ».
Voix off : « pendant plus de cinq ans, le chantier mobilisera jusqu’à 500 ouvriers à la fois. Coûte que coûte l’enrochement artificiel doit atteindre le niveau des basses mers pour que l’assise y soit implantée ».
Denis Roland : « c’est plus facile à dire qu’à faire, car d’abord c’est une base énorme et parce qu’il y a des mouvements de mer constants, ce qu’on arrive à mettre en un an, une tempête en hiver va tout balayer et répartir les cailloux partout. On est en guerre ouverte avec l’Angleterre. Très régulièrement il y a des frégates britanniques qui viennent tirer à coups de canon sur les ouvriers. On est obligés de travailler en tenant compte des marées donc parfois on travaille la nuit ce qui est quand même extrêmement compliqué et cela mobilise un monde fou. On est dans quelque chose de déraisonnable, mais on est plus forts que la nature et Napoléon ne va pas se laisser faire par la mer. C’est le plus grand, c’est l’Empereur et devant l’Empereur tout doit céder ».
Voix off : « mais les moyens manquent et le chantier ne va pas très vite. Certains bateaux sombrent même avec leur chargement et leur équipage avant d’avoir atteint le chantier. Et pour ne rien arranger, l’enrochement artificiel se révèle particulièrement instable, malmené par les courants marins. Durant l’hiver 1807, les 60 000 m3 de pierres acheminées sur place s’enfoncent et l’assise disparaît ».
Thierry Sauzeau : « c’est un peu le mythe de Sisyphe ou le tonneau des danaïdes, plus on met de pierres plus ça s’enfonce et plus il faut en mettre, ce qui crée des retards et des surcoûts pour ce chantier ».
Voix off : « à l’aube du XIXe siècle, le projet de Fort Boyard est une nouvelle fois menacé. En août 1808, Napoléon vient en personne constater le retard pris sur le chantier de Fort Boyard ».
Denis Roland : « on a des récits fabuleux presque mystiques de l’Empereur sur son tas de cailloux. Il va décider de réduire la taille du Fort, de le ramener à des proportions plus raisonnables de 40 m sur 20 m ce qui est déjà pas mal. Mais les travaux continuent comme ça jusqu’en 1809 ».
Voix off : « 1809, l’année d’un nouveau coup de grâce porté au rêve de l’Empereur. Le 11 avril 1809, 76 navires battant pavillon anglais approchent de l’île d’Aix. En face, les Français n’alignent que onze vaisseaux et quatre frégates. Les Anglais chargent cinquante navires d’explosifs et les lancent droit sur la flotte française. C’est le drame, les brûlots enflamment les navires français qui finissent pas s’échouer ».
Thierry Sauzeau : « c’est une grosse déconvenue pour Napoléon, une grosse désillusion qui va le décider à mettre un terme au chantier du Fort Boyard, prenant acte du fait qu’on est incapable d’assurer la sécurité d’un tel chantier dans l’état de faiblesse qui est celui de la marine française à l’époque ».
Voix off : « pour tout de même barrer l’accès à l’arsenal de Rochefort, Napoléon entreprend la construction d’une forteresse bien plus modeste implantée entre l’île d’Aix et la presqu’île de Fouras, le Fort Enet. Facilement accessible depuis les côtes, il est plus simple à construire et sera achevé en trois ans seulement, en 1812. En parallèle, Napoléon renforce les défenses de l’île d’Aix, en y implantant de nouvelles fortifications. Mais pendant près de 30 ans, le projet du Fort Boyard tombe quant à lui dans l’oubli. Il faudra attendre le règne de Louis-Philippe pour que, contre toute attente, sa construction soit à nouveau envisagée ».
Thierry Sauzeau : « ce qui change finalement la donne en ce qui concerne le chantier du Fort Boyard, ce sont des conditions géopolitiques. Il faut attendre les années 1820-1830 pour que les Anglais aient suffisamment confiance dans les traités de paix qu’ils ont forcé les Français à signer en 1815 pour qu’ils voient d’un œil neutre la relance du chantier de fortification sur le banc du Fort Boyard ».
Denis Roland : « en 1837 on s’intéresse à nouveau au projet du Fort Boyard parce qu’on s’intéresse à nouveau à l’arsenal de Rochefort. Et pourquoi on s’y intéresse, ce n’est pas parce qu’on est en guerre, pour une fois, mais parce qu’à Rochefort il se passe beaucoup de choses en termes d’expérimentation. C’est le grand moment où on réinvente la marine de guerre, on va passer de la voile à la vapeur puis du bois au fer. C’est donc intéressant Rochefort et il faut le protéger. Fort Boyard revient comme un projet récurrent et on va donc regarder où ça en est. On s’aperçoit alors que l’enrochement qui s’était arrêté en 1809 est là, qu’il est stable et qu’il s’est enfoncé d’un mètre, mais il est costaud ».
Voix off : « le premier défi consiste à terminer l’enrochement artificiel e l’élevant jusqu’au niveau des basses mers et surtout en évitant que ces nouvelles pierres perdues affaissent et se dispersent entre chaque marée ».
Denis Roland : « c’est une sacrée affaire,car il faut inventer des techniques qui permettent d’avoir des mortiers qui supportent l’eau ».
Thierry Sauzeau : « la relance du chantier du Fort Boyard bénéficie d’un certain nombre de progrès techniques puisque dans le milieu des années 1820 on a de nouveaux ciments qui sont disponibles ».
Denis Roland : « on va beaucoup utiliser de la pouzzolane, qui est une espèce de pierre volcanique qu’on réduit en poudre, on fait tout ça bien sûr à Boyardville, le chantier reprend du service, et on le mélange avec de la chaux et cela permet d’avoir un mortier qui a un grand avantage pour Boyard c’est qu’il durcit à l’eau ».
Thierry Sauzeau : « le ciment prend suffisamment rapidement pour qu’il soit finalement pris lorsque la marée vient à l’immerger. Et comme ça on va commencer tranquillement à réussir à faire un récif qui s’immerge et puis qui s’émerge de façon régulière ».
Denis Roland : « tout cela est assez costaud. En 1848, la plateforme est achevée, on attend plus que le Fort, on peut commencer les travaux ».
Voix off : « Entre 300 et 500 ouvriers se sont relayés nuit et jour sur ce chantier hors norme. Pour dévier les boulets de canon tirés à son encontre le Fort adoptera la forme d’une ellipse de cinq niveaux ouverte sur une cour intérieure. Conçu comme un navire de guerre, le Fort Boyard doit pouvoir fonctionner en parfaite autonomie. Au sous-sol des soutes permettent de stocker le charbon, les munitions et les vivres et une énorme citerne retient jusqu’à 325 000 litres d’eau potable. Au rez-de-chaussée, des bureaux, une cuisine, une prison, des magasins d’artillerie et douze canons seront installés. Les premier et deuxième étages seront dédiés aux logements d’une garnison qui comptera jusqu’à 260 hommes en temps de guerre. Enfin, au sommet du Fort, une terrasse est conçue comme une véritable plateforme d’artillerie : 18 canons de 36 mm y seront installés sur des rails de pivotement. Point culminant de l’édifice, une tour de vigie construite à 29 m de hauteur permettra de surveiller le large sur près de 19 km de distance ».
Denis Roland : « et cette tour de vigie, curieusement, n’est pas implantée vers le large comme on pourrait s’imaginer vers le nord, elle est au contraire vers les terres. En fait, le fait d’être vers les terres ne l’empêche pas de regarder à l’horizon si un ennemi arrive, en revanche ça lui permet de surveiller ce qui se passe dans la cour et c’est probablement sa fonction première d’ailleurs, parce qu’on imagine que 260 hommes en garnison dans le Fort, il faut probablement jeter un coup œil là-dessus. Donc en fait la vigie surveille les hommes autant que les ennemis ».
Voix off : « si l’architecture du Fort se veut résolument austère et militaire, les maçons et les tailleurs de pierre y réaliseront néanmoins quelques prouesses. Tout l’art de l’assemblage hérité des châteaux forts et de cathédrales ».
Denis Roland : « c’est particulièrement vrai dans les cages d’escalier parce que les escaliers, ça tourne donc c’est compliqué techniquement et c’est là où on voit leur maîtrise. C’est aussi vrai dans la cour au-dessus des ouvertures, il y a des arcs de décharge qui ne sont pas simplement traités techniquement, mais où il y a une taille de pierre. Ce n’est jamais totalement rectangulaire, c’est extrêmement précis parce qu’il fallait que les joints soient les plus serrés, les plus proches possible. Ce n’est pas le mortier qui va faire tenir les pierres, elles sont pratiquement assemblées l’une à l’autre ».
Voix off : « le 6 février 1866, Fort Boyard est officiellement achevé. Au total 8,6 millions de francs auront été dépensés pour sa construction, soit 28 millions d’euros. Le résultat est vertigineux. 68 m de long, 31 m de large et 29 m de haut par endroit. Ancrés sur une solide assise en granit, les murs, épais de plus de 2 m, sont percés de 74 embrasures à canon. Le Fort dispose de trois niveaux de tir et grâce à sa forme elliptique il peut faire feu sur 360 °. Mais aussi fou que cela puisse paraître, Fort Boyard, à peine achevé, est déjà obsolète. Construit pour protéger le pertuis d’Antioche, hors de portée des canons de l’île d’Aix et d’Oléron, il a perdu toute utilité en raison des innovations technologiques que connaît l’armement ».
Thierry Sauzeau : "l’artillerie à la fin des années 1850 a fait d’énormes progrès. On a mis au point des canons rayés qui permettent d’envoyer des projectiles à plus de 3 km, avec un grand degré de précision. Les conditions qui étaient nécessaires à la construction du Fort Boyard ne sont plus réunies puisqu’on a désormais une artillerie qui permet largement de croiser les feux des canons installés sur l’île d’Aix et l’île d’Oléron.
Denis Roland : « dès les années 1850, on sait que l’artillerie rayée va fonctionner et pourtant on continue et on va au bout. D’abord parce qu’on a mis beaucoup d’argent dedans et que c’est toujours difficile de reculer, mais probablement aussi parce que le Fort est chargé de porter l’image de la compétence des ingénieurs de marine, c’est le génie national qui s’exprime à travers sa maîtrise technique. Et c’est ça qui va finalement être plus important avec Boyard. Boyard c’est dès le départ une affaire d’image autant qu’une affaire de fortification militaire ».
CAPTURES
REPLAY
Nous vous proposons de revoir en intégralité le passage qui traite de Fort Boyard :
GÉNÉRIQUE
- Réalisation : Benoît Poisson
- Scénario original : David Chemla
- Narratrice : Anne Cardona
- Production : Peignoir Prod
- Remerciements : Adventure Line Productions, Éric Buron (directeur de production de Fort Boyard), Arnaud Guilbert (ancien directeur de production de Fort Boyard, aujourd’hui conseil en audiovisuel), Denis Roland (ancien conservateur du Musée national de la marine de Rochefort, aujourd’hui attaché de conservation du patrimoine), Le département de la Charente-Maritime et Muriel Tabary-Dumas (conseillère en relations presse au Conseil départemental de la Charente-Maritime).
Extraits de l’émission : © 2019 - Peignoir Prod - RMC Découverte / NextRadioTV
Capture vidéo replay : www.fortboyard.net